En 2012, le Gabon organisait la CAN avec la Guinée Equatoriale. Les Panthères allaient atteindre les quarts de finale face au Mali (1-1, 4-5 aux t.a.b). Le défenseur Rémy Ebanega, qui évoluait alors à Bitam, un club de Ligue 1 gabonaise, revient sur cette compétition, remportée par la Zambie, et qui lui avait aussi permis de signer un contrat à Auxerre.
Que représentait pour la Gabon la co-organisation de la CAN avec la Guinée Equatoriale ?
Une grande fierté, car le Gabon n’avait jamais accueilli cette compétition. Il y a des liens très étroits avec la Guinée Equatoriale. Comme de nombreux gabonais, j’ai de la famille dans le pays. Les Gabonais parlent français, les équato-guinéens l’espagnol, mais nous avons une langue commune, surtout dans le nord du Gabon, avec notre voisin, c’est le fang. Il y avait donc de l’impatience.
A Libreville, les Chinois avaient construit le stade de l’Amitié, et c’est là que j’avais connu ma première sélection en novembre 2011 contre le Brésil (0-2). Je me souviens que lors du dernier match amical juste avant la CAN, nous avions affronté le Burkina Faso à Bitam (0-0), dans un petit stade où j’avais l’habitude de jouer, puisque j’étais sous contrat avec le club de cette ville.
A l’époque, la sélection nationale était presque équitablement constituée de joueurs locaux et d’expatriés…
Oui, car nous avions un très bon championnat à l’époque, bien structuré. Les joueurs gagnaient bien leur vie. Daniel Cousin et Stéphane N’Guéma, qui avaient effectué l’essentiel de leur carrière en Europe, étaient revenus jouer au Gabon pour participer à la CAN. Le sélectionneur, Gernot Rohr, avait donc retenu onze locaux sur vingt-trois. On avait une équipe pour aller loin.
Lors du premier tour, le Gabon avait réussi un sans-faute, dans un groupe où figuraient la Tunisie, le Maroc et le Niger. De quel match conservez-vous le principal souvenir ?
Notre premier match face au Niger (2-0) avait été bien maîtrisé de notre part. Une victoire logique, qui nous plaçait sur les bons rails. Non, le match dont je me souviendrai toujours, c’est celui face au Maroc à Libreville, devant 35 000 spectateurs. On le gagne 3-2, ce qui nous qualifie et élimine le Maroc, mais c’est surtout le scénario que je veux retenir.
Jusqu’à la 75e minute, le Maroc mène, puis en trois minutes, Pierre-Emerick Aubameyang et Daniel Cousin marquent. On pense gagner, mais lors du temps additionnel, Kharja égalise sur penalty. On voit les prolongations arriver, jusqu’à ce qu’on obtienne un coup-franc. On doit être à près de dix minutes de temps additionnel et l’arbitre nous accorde un coup-franc. D’habitude, c’est Lévy Madinda qui les tire. Mais Bruno Mbanangoyé demande le ballon, Madinda lui laisse, et il marque. C’était de la folie. Dans les tribunes, nous avons appris que des supporters avaient été victimes de crises cardiaques…
Ce succès est ensuite validé par une victoire face à la Tunisie (1-0)…
Oui, à Franceville. La Tunisie avait aussi gagné ses deux premiers matches, et on voulait finir à la première place pour jouer notre quart de finale à Libreville, et non pas en Guinée Equatoriale. C’est ce qu’on a fait, alors que le coach avait fait tourner son effectif. J’avais joué les deux premiers matches, mais pas celui-ci.
Pour la deuxième fois après 1996 en Afrique du Sud, le Gabon atteint les quarts de finale. L’aventure s’achève cependant face au Mali (1-1, 4-5 aux t.a.b). Comment expliquez-vous cette défaite ?
Nous avions vraiment une équipe capable d’aller loin. Ce match, où je suis remplaçant, était un peu particulier, car le sélectionneur du Mali, Alain Giresse, avait été celui du Gabon juste avant, et il connaissait certains de nos joueurs, dont Pierre-Emerick Aubameyang. On marque à la 55e minute par Eric Mouloungui, et vraiment, le Mali n’était pas vraiment dangereux.
Cette demi-finale, on la tenait. Et Cheikh Diabaté, qui jouait alors à Bordeaux, égalise à quatre minutes de la fin. Moralement, ce fût difficile. Je pense que nous aurions pu l’emporter lors des prolongations, même si ce but avait boosté les Maliens. Mais effectivement, je garde un souvenir très amer de cette séance des tirs au but. Et surtout du désarroi de Pierre-Emerick Aubameyang, qui avait manqué le sien. Il était totalement abattu.
En ce qui vous concerne, cette CAN vous avait ouvert les portes de l’Europe, puisque vous aviez signé à Auxerre…
Oui. J’étais un des meilleurs défenseurs du championnat, et Auxerre m’avait fait signer mon contrat lors de la CAN, et j’étais arrivé à l’AJA en juin, en compagnie de mon coéquipier Henri Ndong. Je n’avais pas pu prendre part aux jeux Olympiques de Londres, car il y avait la préparation estivale à faire avec mon club.
A l’époque, les clubs européens venaient recruter des Gabonais dans leur championnat, car il y avait de la qualité. Aujourd’hui, le championnat de mon pays a beaucoup perdu, car il ne se déroule pas de manière régulière et il est mal organisé. Pour toute une génération de joueurs, c’est une véritable catastrophe, beaucoup ont dû mettre un terme à leur carrière afin de trouver un autre emploi et subvenir à leurs besoins. On peut parler d’une génération perdue…

